Publié le 14/04/2021

Comment le groupe Eneco voit-il le rôle de l’hydrogène dans la transition énergétique ?

Publié le 14/04/2021

L’utilisation de l’hydrogène comme vecteur énergétique est un sujet de plus en plus abordé dans les médias et parmi les experts. Et à juste titre, car l’hydrogène produit à partir d’énergie verte jouera sans aucun doute un rôle crucial dans la transition énergétique. Surtout lorsque l’électrification directe n’est pas immédiatement possible. Mais quels sont les avantages de l’hydrogène ? Tout d’abord, il contribue à une production d’énergie à faibles émissions de carbone. L’hydrogène réduit également l’utilisation du gaz naturel (et donc fossile). Et les investissements dans le renouvelable deviennent également intéressants lorsqu’il est possible de stocker l’électricité verte excédentaire produite.

Eneco a résolument choisi de poursuivre l’électrification (par exemple en promouvant les pompes à chaleur, les réseaux de chaleur, etc.), mais investit en même temps dans l’innovation en participant à divers programmes pilotes et de test articulés autour de l’hydrogène. Comme par exemple, le projet ‘Stad aan het Haringvliet’. Avec ses parcs éoliens et ses champs solaires, l’île de Goeree-Overflakkee produit plus d’électricité verte qu’elle n’en consomme elle-même. La conversion de l’excédent d’électricité verte en hydrogène offre de nouvelles opportunités. Cette fonction tampon, la présence de réseaux de gaz adaptés et les faibles coûts de conversion à l’entrée font de l’hydrogène un très bon candidat pour remplacer le gaz naturel dans l’environnement bâti de cette île.

Roald Arkesteijn, Strategic Analyst Hydrogen chez Eneco, est convaincu que l’hydrogène mérite une place importante sur le marché de l’énergie car il peut être utilisé dans différents secteurs. Mais l’électrification directe durable reste l’option préférée lorsqu’elle est possible. Pourquoi ? Roald nous l’explique.

De l’hydrogène sous différentes formes

« Qu’est-ce que l’hydrogène exactement ? C’est une matière première et un vecteur d’énergie, tout comme le gaz naturel. Avec de l’oxygène, l’hydrogène peut former de l’eau, H2O, une réaction qui libère une grande quantité d’énergie. Le processus d’électrolyse permet de transformer l’électricité verte en hydrogène vert. Comme la production d’hydrogène gazeux nécessite de gros investissements (notamment pour les électrolyseurs), la production d’hydrogène à partir d’électricité n’est intéressante qu’en cas d’excédent d’énergie éolienne ou solaire sur de très longues périodes. Mais l’hydrogène peut aussi être produit avec un surplus d’électricité durable : cet hydrogène « vert » est la forme durable souhaitée. L’hydrogène bleu, pour sa part, est produit à partir de gaz naturel. Même s’il est possible de capter et stocker les émissions de CO2 pendant la conversion (CCS), il ne s’agit que d’une solution temporaire pour nous. À l’horizon 2050, cela ne suffira pas car cette forme n’est pas totalement exempte d’émissions de CO2. »

« Outre son utilisation pour le stockage de l’électricité, l’hydrogène est une matière première qui a et aura de nombreuses autres applications. La fabrication d’engrais synthétiques, par exemple, ou d’aliments et de plastiques. Il est également nécessaire pour raffiner les carburants destinés à l’aviation et à la navigation, notamment. C’est donc une substance qui est utilisée assez fréquemment dans l’industrie pétrochimique. »

Le rôle de l’hydrogène dans différents secteurs

« Il faudrait aussi se pencher un peu sur ces autres secteurs. Car en fin de compte, la demande d’hydrogène est beaucoup plus intéressante que sa production. On veut savoir comment utiliser l’hydrogène, qui va l’utiliser et le prix que l’on est prêt à payer. Le secteur le plus connu est celui de la mobilité. Il y a quelques années encore, on en entendait beaucoup parler. À l’époque, chez Eneco, nous avons tout de suite décidé que nous n’investirions pas. Pourquoi ? Parce que l’hydrogène est beaucoup moins efficace que l’utilisation directe de l’électricité dans la mobilité. Nous promouvons la mobilité électrique, par exemple, en installant des bornes de recharge et en augmentant la tranquillité d’esprit dans le cadre de la conduite de véhicules électriques. Nous considérons l’hydrogène comme une électrification indirecte. Donc au lieu d’une batterie, on utilise de l’hydrogène. Mais techniquement, la voiture est toujours électrique. En fait, pour nous, l’hydrogène ne devient intéressant que lorsque les batteries ne constituent pas la solution. Au cours des dix dernières années, les prix des batteries ont baissé et ne représentent plus que 10 % de ce qu’ils étaient en 2010. On observe des évolutions similaires avec l’hydrogène, mais pas à la même vitesse qu’avec les batteries. »

« Le secteur de la chimie est le plus intéressant. Il est préférable d’encourager l’utilisation de l’électricité : ce n’est que si cela n’est pas possible que l’hydrogène devient intéressante. En chimie, vous ne pouvez pas du tout utiliser l’électricité comme base. Il faut vraiment une molécule pour ce faire. Ce qui rend l’hydrogène très utile pour les applications industrielles, également en Belgique, car le pays dispose d’une industrie chimique relativement importante. L’implantation du cluster d’énergie chimique s’explique probablement en partie par la disponibilité de gaz naturel bon marché, provenant des Pays-Bas et de la mer du Nord, entre autres, et aussi de Norvège. Mais à un moment donné, bien sûr, il faudra passer au vert ou au moins à l’absence de CO2. L’industrie a donc dû se poser un certain nombre de questions. L’utilisation de l’hydrogène est-elle possible et est-elle financièrement viable ? La production elle-même n’est pas très difficile. On peut produire l’hydrogène ou l’importer. Mais il est important de ne pas tout miser sur l’hydrogène, car il s’agit d’un moyen et non d’une fin en soi. L’objectif de l’industrie est de se débarrasser du CO2 au moindre coût et de rester compétitive. Si d’autres solutions durables peuvent mieux le faire, il faut en tenir compte. »

« L’hydrogène est également potentiellement intéressant pour les bâtiments et les infrastructures là où les réseaux de chaleur et les pompes à chaleur sont plus coûteux. Avec Eneco, nous avons développé un projet autour de 500 maisons, juste en dessous de Rotterdam. Nous testons des moyens d’alimenter les bâtiments en hydrogène. Nous savons qu’il n’est pas réaliste d’imaginer y parvenir d’ici 2025, mais nous avons lancé le projet en tant que recherche pure. L’hydrogène fait également l’objet de tests et de recherches en Angleterre. Nous voulons prendre un peu d’avance sur ce terrain. »

Pertinence de l’hydrogène pour le secteur de l’électricité

« L’hydrogène est une bonne solution pour tout ce qui ne peut pas être électrifié. Ainsi, si les batteries ne sont pas une option, l’hydrogène devient intéressant pour le stockage saisonnier, par exemple, s’il n’y a pas de soleil ou de vent pendant un certain nombre de jours consécutifs. En principe, le secteur de l’électricité préfère produire de l’électricité à partir du soleil et du vent, éventuellement avec des batteries en plus. Et si ce n’est plus possible à un moment donné, parce que cela devient tout simplement très cher, alors l’hydrogène peut être intéressant. Mais ce sont les derniers 10 % de votre consommation que vous alimentez ainsi, et non les premiers 90 %. »

Le prix du CO2 est une motivation importante

« Le secteur le plus évident pour commencer est l’industrie, précisément parce qu’il n’y a pas suffisamment d’autres solutions durables disponibles pour durabiliser les matières premières et l’approvisionnement en chaleur à haute température. Il est également possible d’économiser sur les coûts d’infrastructure dans la phase initiale en produisant et en utilisant l’hydrogène au sein des mêmes clusters industriels, souvent situés dans des ports en bord de mer. De cette manière, l’électricité produite par les parcs éoliens en mer peut facilement être utilisée pour être transformée en hydrogène vert dans des usines d’électrolyse. Cette importation peut être convertie directement. »

Comme vous pouvez le constater, il s’agit d’un développement prometteur. Toutefois, d’un point de vue technologique et réglementaire, beaucoup d’étapes doivent encore être franchies. Pour Eneco, il est clair qu’à long terme, d’ici 2050, l’hydrogène ne pourra provenir que de sources d’électricité vertes et durables, comme le vent et le soleil. L’hydrogène vert, avec un agrément par un système de Garanties d’Origine, par exemple, est la voie durable que nous devons emprunter. Nous souhaitons établir un lien direct entre l’énergie durable, le stockage durable et un système énergétique durable. Nous misons tout là-dessus.

 

Cet article faisait partie du programme annuel Horizon en 2021. Thierry Geerts (CEO Google Belgique) était notre expert « virtuel ». Il a parlé de la durabilité et du lien avec la digitalisation. Voir l’enregistrement du webinaire (uniquement en néerlandais) ici.